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"Patrick monta dans le car, il fit un petit signe de la tête et un sourire au chauffeur et il s'assit au fond. La banquette était confortable, bien que le tissu fût taché en un endroit. Patrick déboutonna son pardessus et tira sur le noeud de sa cravate pour le relâcher un peu. Le car roulait en ronronnant puissamment." "Nadège abandonna le tricycle au milieu de la cour : elle était encore la dernière. Marie commençait à avoir faim et elle avait hâte de rentrer. Elle dit à Nadège :"Boutonne ton manteau, tu vas prendre froid." Nadège ne répondit pas, elle avait l'air sérieuse. Marie imagina ce qu'elle ressentait : sa mère était toujours la dernière à venir la chercher, parce qu'elle quittait le bureau à cinq heures et demie et qu'elle devait traverser toute la ville pour rentrer. Nadège commença à se boutonner, et, la tête basse, en regardant ce qu'elle faisait, elle vint vers Marie pour lui demander de l'aider." "Philippe remonta la fermeture éclair de son pantalon et boucla sa ceinture. Il se frotta les yeux et baîlla. Martine, la couverture sous le nez, le regardait sans rien dire. Philippe boutonnait sa chemise aux poignets; son bol de café au lait fumait sur la table." "Christophe s'était réveillé : il gazouillait dans son lit. Catherine avait enfilé un pantalon et, finissant de boutonner un chemisier crème à fleurs, elle se précipita vers lui. Il restait gentiment couché sur le dos, les bras hors des couvertures et il babillait en faisant des gestes comme pour appuyer ce qu'il disait." "Il posa la pince à épiler sur le bord du lavabo et enfila une chemise blanche à rayures rouges. Il aimait bien sentir l'étoffe fraîche et souple sur sa peau nue. Il jeta, en boutonnant avec application sa chemise, un coup d'oeil circulaire à la chambre, au lit défait, à l'abat-jour de la lampe, au tiroir à moitié ouvert de la table de chevet. Ca le dégoûtait toujours de voir du désordre." "Elle passa ses bras autour de son cou et l'embrassa : "Viens vite te coucher." Patrick enleva son veston et déboutonna ses manchettes. Marie s'était recouchée. Elle se sentait un peu soulagée et elle avait sommeil. " Tu recommences à quelle heure demain ? "demanda-t-elle." "Derrière des poubelles et des cartons, enroulé dans une vieille couverture, une bouteille vide à la main, un clochard gisait par terre. Michel s'approcha d'un pas, une forte odeur de détritus et de vin se dégageait des poubelles.... Michel s'appuya de la main au mur, il sentit sous ses doigts les briques rugueuses et froides. L'homme ne bougeait pas. Sa face couperosée, aux joues creuses, était dévorée par une barbe grise et drue. Michel le toucha du pied, l'homme était raide comme un cadavre, mais il respirait. Michel pensa : "Et lui ?" Il s'agenouilla en avançant une main, il releva un bout de la couverture détrempée, découvrant le bas du corps. L'homme était vêtu d'un ample pantalon de toile beige, avec une braguette à boutons." Walter Prevost, Tristes banlieues, Grasset, Paris 1978, pp17-22-73-77-121-185-204 (Trouvé-choisi par Pascale Redureau)