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Il était six heures juste lorsque je passai la porte-tambour de l'hôtel Berghof. Le grand hall était à peu-près désert; négligemment appuyés contre un pilier, trois jeunes grooms vêtus de gilets rouges à boutons dorés bavardaient à voix basse, les bras croisés... (Deux photos) (Ma mère...) Elle porte un manteau à grands revers en drap sombre, ouvert sur un corsage sans doute en rayonne, feré par sept boutons blancs, le septième étant à peine visible, une jupe grise à très fines rayures qui descend jusqu'à mi-mollets (...) J'ai un béret, un manteau sombre à col raglan fermé par deux gros boutons de cuir et qui me descend à mi-cuisses, les genoux nus, des chaussettes de laine sombre roulées sur mes chevilles et des petites bottines, peut-être cirées, à un seul bouton. Une photo Ma mère est assise sur une chaise de jardin au bord d'une pelouse. Au fond, des arbres (conifères) et une haute plante grasse. Ma mère porte un grand béret noir. Le manteau est peut-être le même que celui qu'elle porte sur la photo prise au bois de Vincennes, à en juger par le bouton, mais, cette fois-ci, il est fermé. Le sac, les gants, les bas et les chaussures à lacets sont noirs. Ma mère est veuve. Son visage est la seule tache claire de la photo. Elle sourit. J'ai les cheveux coupés très court, je porte une chemisette claire à manches courtes et un short plus sombre et d'une conception plutôt curieuse: il ne semble pas avoir de braguette et il se boutonne sur les côtés; il n'est pas impossible que ç'ait été un short de ma cousine Elsa, il est d'ailleurs trop grand pour moi... ...ma tante; elle porte un pantalon de laine grise, à tout petits revers, aux plis nettement marqués, un corsage (ou une chemise) clair, à manches courtes ou relevées, une veste de laine angora posée sur ses épaules et retenue avec le seul bouton supérieur. Elle ne semble pas porter de bijou. Georges Perec , W ou le souvenir d'enfance, Gallimard, Paris, 1995, pp.25;71-72;74;107;136; ( Trouvé-choisi Raphaëlle Mathieu)