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"La culotte était beaucoup trop longue mais monsieur Henry devait avoir été mince car elle s'ajustait parfaitement à ma taille. J'en retroussai les jambes d'un bon pan, me réservant plus tard de les faire tenir avec des épingles. Le veston en revanche, bleu marine avec des boutons de cuivre, me glissait sur les épaules comme si je l'avais toujours porté." "Toutes deux eurent un haut-le-corps en me voyant entrer. J'étais vêtu sous ma canadienne d'un blazer bleu marine à boutons dorés et d'un pantalon que ma diligente mère avait aussitôt mis à ma mesure." "Je comprenais que mon aspect les désarçonnait tant il était imprévisible et que leur imagination travaillait à toute vitesse pour trouver une explication. C'est alors qu'arrivé à leur hauteur (leurs deux parfums disparates se disputaient l'atmosphère) je m'entendis prononcer ces paroles irréparables : " Vous n'auriez pas un livre de Saint-Simon ? ". Elles en oublièrent aussitôt que je portais un blazer bleu à boutons dorés." "Elle était assise, accroupie plutôt, les bras étendus appuyés au bord des coussins du sofa. Elle était tout en rouge sombre sur le rouge clair du tapis. Un corsage serré par de nombreux petits boutons, dont on avait défait ceux du haut, contenait sa poitrine comme pour mieux la faire surgir de ce carcan. Elle portait un pantalon de bayadère rouge sombre lui aussi, plissé de mille plis plats artistement ordonnés et qui était serré aux chevilles sur ses pieds nus." "J'eus l'idée d'ôter mon paletot à boutons dorés et de le poser sur l'appui d'un fauteuil. Après quoi il me fut plus facile de m'agenouiller, de ramper vers le coussin qu'elle m'avait jeté et enfin de me laisser aller sans bruit, sur le coude, comme lorsque j'allais lire, au bon soleil, au flanc de la tour du château." "Je m'apprivoisais au tapis, j'apprivoisais les battements de mon coeur à cette présence immobile de femme pourpre, de femme à corsage à boutons emprisonnant les seins dont je rêvais, comme une corolle soutient solidement le bourgeon prête à s'ouvrir." "J'eus tout de suite, entre elle et moi, sur cette tulipe rouge du corsage, maintenus par tant de boutons, ses seins offerts qu'elle précipitait vers moi. Je tentai un geste pataud vers ces boutons qui m'avaient tant subjugué, mais j'entendis ce bruit en confidence, ce bruit de boutonnière sautée qui se répète jusqu'à ce que, la dernière libérée, les merveilles jusqu'ici contenues vous bondissent au visage, douces, sans malice et oublieuses d'une longue attente. " Magnan Pierre, Un grison d'Arcadie, Denoël, Paris 1999, pp. 143;149;150;222;223;224;228 (Trouvés-choisis par Pascale Redureau)