<=
" Eleanor place une photo de son père et de sa mère sur sa table de chevet. La photo a été prise lors d'une fête foraine à Brooklyn, en été, dans les premières années du siècle : au fond, une grande roue à l'arrêt se détache sur le ciel comme un bracelet de pacotille. On voit la trace d'une moustache naissante au dessus de la lèvre de Con O'Leary. La robe de Maura est boutonnée jusqu'en haut du cou mais le troisième et le quatrième bouton se sont défaits à son insu, révèlant la naissance des seins. Les deux époux sont devant une mailloche. La cloche de la machine est tout en haut - à l'endroit où il est écrit FORCE EXTRAORDINAIRE -, et Eleanor est sûre que c'est son père qui vient d'actionner le maillet. Il sourit, il se tient fièrement le ventre en avant, il gonfle les joues." p.106 - " Chez lui, il fait sa toilette au lavabo et essaie la chemise blanche à petits plis. Les boutons lui paraissent minuscules et insolites. L'arthrite s'attaque déjà à ses mains.Il peut prédire la pluie rien qu'aux douleurs qu'il sent au bout des doigts. Au lieu de boutonner son col de chemise, il cache le haut qui baille avec son noeud de cravate. Il ne peut s'empêcher de rire doucement en voyant la chemise se chiffonner sous son menton, et la blancheur excessive du tissu. "T'es sacrément beau Nathan Walker !" dit-il à son miroir poussiéreux ... p.187 " Déjà, Hooffer McAuliffe sort de sa voiture, il arrache ses boutons, sa chemise s'ouvre et les cartes à jouer imprimées vont se promener sur ses hanches. Il va et vient entre la femme et la voiture en se frappant la tête avec les poings. De l'autre côté de la rue, quelqu'un ferme la bouche d'incendie avec une clé à écrous. McAuliffe pousse des gémissements de plus en plus forts et il s'effondre à l'avant de sa voiture, à genoux, tâtant les grosses bosses sur le capot de la Buick." p.207 "Trente deux jours de neige et de glace. L'hiver le plus cruel qu'il ait connu. Il relève le capuchon de son sac de couchage et se couvre le visage avec une chemise dont il sent les boutons comme des glaçons sur son nez." p.277 " Ce n'est pas un manteau de prix à en juger par le plastique autour des boutons, à l'endroit où ses mains se sont égarées. Les trois premiers boutons défaits, il tâte le quatrième et s'arrête. Il lui ouvre tout grand ses trois corsages. Il effleure la chemise thermolactyl sous laquelle il devine les belles et douces rondeurs de son corps." Colum McCANN, Les saisons de la nuit", 10-18, Paris, 1998, pp.103,106,187,207,277 (Trouvé-choisi par Pascale Redureau)