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"J'ai reçu, comme tout le monde, une chemise qui avait dû être autrefois bleue à rayures blanches, de l'époque de mon grand-père, sans col ni bouton,un caleçon qui convenait tout au plus à des vieux, avec des fentes aux chevilles et deux authentiques rubans de caleçon, un costume visiblement usé, l'exacte réplique de celui des détenus, en tissu à rayures bleues et blanches, une vraie tenue de prisonnier, il n'y a pas à dire; puis, dans la salle ouverte, j'ai pu choisir dans une montagne de chaussures bizarres - semelle de bois, doublure de tissu et trois boutons sur le côté au lieu de lacets - celles qui, dans la précipitation, m'allaient à peu près Il ne faut pas que j'oublie les deux morceaux de toile grise, servant sans doute de mouchoir, supposais-je, et pour finir un accessoire inévitable : la casquette de détenu, molle, ronde, élimée et rayée. " - J'étais sur la couchette du bas, juste en face d'une petite fenêtre haute sans vitre qui donnait sur un ciel toujours gris, et dont les barreaux, à cause de la vapeur des respirations, étaient éternellement couverts de glaçons et hérissés de givre. Et moi, je ne portais que ce qui revenait à un malade : une chemise courte sans boutons, et un drôle de bonnet de laine verte qu'on nous avait donné eu égard à l'hiver, avec un arrondi qui recouvrait les oreilles et une pointe qui descendait sur le front, comme en ont les champions de patinage ou les acteurs qui incarnent Satan sur scène, mais très utile au demeurant. Si bien que j'avais très froid ..." Imre KERTESZ " Etre sans destin" ,Actes Sud 1998, p.137; 249 - (1ere édition, Budapest, 1975; nb. couverture, éd. 10/18) (Trouvé-choisi par Pascale REDUREAU)