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Après avoir boutonné son imperméable, il poussa la porte de l'immeuble. C'est là qu'ils se trouvèrent à nouveau face à face. Salvatore Piracci se figea. Elle était là. Dans la même immobilité que la dernière fois. Le même visage têtu et les mêmes yeux grands ouverts qui semblaient vouloir happer le ciel. Il s'arrêta net. Il ne savait que faire. Il eut le temps de penser qu'il s'agissait peut-être d'une folle. Mais son visage, insidieusement, lui disait quelque chose. C'était très loin et confus. Gianni disparut. Salvatore Piracci se passa un coup de peigne. Au fond, il avait peut-être dormi. Avant qu'il n'ait le temps de boutonner totalement son caban, on frappa à nouveau à la porte. Le commandant crut que Gianni avait oublié quelque chose et grommela d'entrer avec mauvaise humeur. Mais celui qui se tenait devant lui n'était pas le jeune marin, c'était le clandestin qui avait servi d'interprète. Il hésita devant le seuil de la petite cabine puis pénétra avec douceur dans la pièce, comme un chien habitué aux coups qui longe les murs, tête basse. Laurent Gaudé, Eldorado, Actes Sud, Paris 2006, pp. 13, 105 (Trouvé-choisi par Pascale Redureau )