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[...] Le jeune Eurasien se relève déjà, se rassoit sur son banc sous les applaudissements et [...] se lève, au premier rang, sa voisine immédiate, une "belle blonde" qui le remplace rapidement sur la scène, s'empare de la jeune fesseuse, la couche sur la chaise, se met à la frapper avec détermination, comme si elle jugeait bon elle aussi de lui montrer comment s'y prendre, mais directement, sans passer par le biais de conseils. Interrompue par l'un des acteurs qui a cru devoir la modérer, elle retourne vers son banc ; au lieu de se rasseoir elle reste debout, défait, calme, un à un, les boutons de son corsage de soie ivoire, l'ôte, puis dégrafe sa jupe droite de laine grenat. [...] Elle apparaît alors en soutien-gorge de cuir noir et ceinture de chasteté du même cuir noir, fermée par un petit cadenas doré. [un homme exécute une "danse de l'ours" grotesque] "imperturbable, il poursuit son numéro. Comme aiguillonnée, Roxane se lève brusquement, laisse tomber la veste de son tailleur. Derrière l'animal qu'elle domine presque d'une tête, elle se met à contrefaire ses mimiques, à singer ses piétinements cadencés, ses grâces de plantigrade, à chanter en écho « Je suis le roi des cons ». Ayant déboutonné et jeté son corsage sur un fauteuil, remonté à mi-cuisses la jupe droite qui l'entravait, elle accélère ses mouvements, les amplifie en une gesticulation échevelée, scandée par la mélopée qu'elle fait grimper dans l'aigu jusqu'au malaise, sur un rythme de plus en plus frénétique que le roi des ours, en transpiration, s'efforce de suivre tant bien que mal." J'apprivoise la mariée en lui effleurant de mes doigts de satin le contour du visage, les lèvres, le cou, les épaules, la poitrine ; une fois ma main libérée de son gant, en faisant sauter les trois petits boutons qui emprisonnent le poignet, je la plonge dans une coupelle remplie d'eau que me tend Noëlle et mouille le tissu qui la voile ; il se colle sur la peau, les lèvres, les seins, le sexe : elle est à présent plus nue que nue. [...] Jeanne de Berg, Le petit carnet perdu, Fayard, 2007, pp. 60, 75, 128 (Trouvé-choisi par Catherine Loth)